Mâcher le temps

Publié le par Balpe



«Deep impact», les hommes aujourd’hui arrivent à joindre les comètes, pourtant rencontrer qui l’on désire est toujours aussi difficile. Je ne peux m’empêcher d’aller trois fois par jour au Café des Halles, faire durer mon café sous un prétexte ou un autre : lecture du journal, papiers à remplir, roman à lire, simple contemplation des mouvements sur la place… En vain. Je ne l’ai pas revue et reste sur le goût amer de l’insatisfaction. Pourtant, qu’est-ce que je peux attendre d’elle qui pourrait être ma fille alors que j’ai autour de moi tant de femmes encore jeunes et désirables qui m’accueillent sans difficultés ?

Pour penser à autre chose, je me persuade d’avoir beaucoup de travail à faire. Dérisoire. Quelques feuillets d’écriture par jour : dans mon minuscule appartement du centre ville, je tourne vite en rond. Je téléphone à X ou à Y qui se demandent bien pourquoi, relis mes manuscrits inédits en me promettant de les modifier pour les rendre enfin publiables, classe des documents sans intérêt et qui auraient pu demeurer des siècles dans leur fouillis originel. Je vais marcher dans le parc. Faire mes éternelles — et inutiles — photos. Je mâche le temps comme les enfants leur chewing-gum. J’ai ressortis les plus vieux cartons de ma cave à la recherche des quelques souvenirs que j’aurais pu garder de Nathalie. Mais rien. Ou si peu : une photo d’elle, et parmi tant de lettres oubliées, perdues, une qu’elle m’avait envoyé peu de temps après mon retour en France et à laquelle je n’avais même pas répondu.

La vie est faite d’occasions dont, faute de les percevoir, nous manquons la plupart. Nos intérêts immédiats passent souvent avant la vérité qui est quelque chose de trop relatif.


Publié dans Nathalie

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