Souvenirs

Publié le par Balpe

Les souvenirs font un réseau de galeries souterraines plus ou moins bien éclairées où l’esprit circule, parfois s’égare, parfois se heurte à des parois depuis longtemps murées, parfois se fraye avec difficulté un passage dans des effondrements plus ou moins récents mais où son avancée lui révèle bien des surprises, parfois même des trésors, qu’il croyait à jamais perdus.

Depuis que j’avais rencontré sa fille, j’explorais lentement celui de mon aventure avec Nathalie, je reconstituais lentement son visage, mais bien avant son visage, son corps, le goût de son corps sous ma langue, l’odeur dense de son sexe, sa douceur sous ma main, la plénitude lourde de ses seins dans mes paumes. Nathalie était avant tout pour moi le souvenir le plus concret du désir érotique. Elle faisait l’amour avec un appétit toujours renouvelé, inventait sans cesse des jeux sexuels d’une subtilité inouïe sans pour autant tomber dans ce qui aurait pu paraître une recherche artificielle : elle était corps, pleinement et, à ce moment-là, l’assumait sans restrictions. Jamais avant elle, jamais après je n’avais connu une telle perfection dans la jouissance.

Pourtant je l’avais presque oubliée : la vie, mes autres aventures… peut-être aussi la confusion de plus en plus grande qui s’installait en moi entre la réalité de mes souvenirs et celle des histoires que j’écrivais, ou que je me racontais et que parfois je finissais par croire ne sachant plus très bien ce qui relevait du réel et ce qui relevait de la fiction. Peut-être aussi la crainte inconsciente de m’affronter à l’empire des sens qu’elle m’avait révélé et dont je n’avais plus jamais retrouvé ni la simplicité ni l’intensité.

Aussi, depuis quelques jours, le surgissement, comme celle d’une eau longtemps souterraine, de sa fille me ramène sans cesse à elle.


Publié dans Nathalie

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P
Ton blog roman — une bonne idée soit dit en passant — manque de mystère, de suspense… bref d'intrigue. Si tu veux tenir les lecteurs de Libération en haleine pendant 36 jours, il te faudra faire un effort. Je ne suis pas sûr que tes émois psychologiques intéressent qui que ce soit.
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J
"Je est un autre" a dit Rimbaud, je préfère personnellement les hétéronymes de Pessoa où "Je" est plusieurs "autres". La vie, notamment sociale, est un jeu — la force des jeux de mots m'a toujours fascinée — sur les identités. L'écrivain ne fait qu'étirer le plus possible cette attitude.
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