Marc Hodges ne sait plus qui il est

Publié le par Balpe

Les deux gorilles sont partis : Marc reste seul avec Arkadi. Ils se regardent longuement, ne disent d’abord rien, puis Arkadi rompt le silence le premier : «Nous n’avons pas le choix, mon cher, nous savons tous deux que nous n’avons pas le choix… comme moi, tu as mené toute ta vie de cette façon dans une ambiguïté totale entre le but poursuivi et les moyens utilisés pour l’atteindre et tu t’es fait piéger. Comme moi…» «Tu as raison… en partie… la différence c’est que je n’ai pas couché avec toi pour te tenir à ma botte…» Arkadi, toujours souriant, l’interrompt : « Tu sais bien que nos ébats n’ont pour eux aucune importance et je te crois assez libre pour te moquer de ces quelques photos qui, après tout, ne prouvent rien d’autre que le plaisir que nous avons pris. Ce par quoi ils te tiennent — comme ils me tiennent — c’est par ton passé, par ce qu’il savent sur ta vie et qui est susceptible de te valoir bien des ennuis avec la justice de quelques pays. Tu peux essayer de t’enfuir bien sûr, mais où aller ? J’ai essayé, j’ai échoué, ils ont toujours su me retrouver. Ou alors il m’aurait fallu aller dans des pays qui, à cause de ma sexualité, auraient été encore plus dangereux pour moi…» «J’en ai assez de tout ça, dit Marc, j’aurais voulu en finir, reprendre une vie normale…» «Je ne sais pas ce qu est une vie normale», dit Arkadi en se levant, « maintenant il faut que je parte, je ne te dirai pas pour où mais… qui sait, peut-être nous reverrons-nous un jour ».

Marc se retrouve seul dans le Cluny. Il a face à lui un vaste miroir dans lequel il se regarde longuement comme s’il essayait de voir, dans sa propre image, le futur qui l’attend. Il est fatigué, n’a plus envie de rien. Il reste ainsi longuement — peut-être une heure — puis semble sortir de sa torpeur, se lève, quitte à son tour la brasserie.

Publié dans Arkadi

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